L'aube de ce dimanche couvert, ou du
moins ce qui s'en rapproche le plus pour les mycologues novices qui
apparurent dans ce que j'appelle la 'Cour des Gueux', signala le
début de cette fameuse équipée
sylvestre. Clodo, LaCoquette et St Laz n'arrivèrent pas les mains
vides. En effet, malgré mes efforts surhumains pour les accueillir
avec le standing qui me
caractérise (madeleines/café), ils s'empressèrent de se
goinfrer d'oeufs durs et de Kiri. C'est là que, la fleur au fusil,
notre physicien, indispensable à toute expédition digne de ce nom,
frappa à la porte de mon humble demeure. Le Docteur G arriva
guilleret, l'oeil vif, et plein d'optimisme, un vent de fraîcheur si
l'on devait vraiment le comparer aux trois compères précédemment
cités, oserais-je, voilà voilà. Après quelques libations dont un
nectar calédonien quelque peu grisant, nous étions fin prêts à
battre la campagne. Mal équipés certes, mais prêts (ces urbains
n'auraient pas été moins bien chaussés eurent-ils porté des
babouches).
Je tiens à signaler que peu de temps
avant l'immortalisation géniale de cette scène pour le moins
cocasse le Sieur St Laz m'accusait d'être mal culotté. L'ironie, oh
l'ironie!
Nous marchâmes pendant des heures au
moins, sur des sentiers accidentés et périlleux, avant d'atteindre
la légendaire Forêt de la Route des Alluets, ses mystères, et ses
dangers. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage à mes camarades pour
leur courage et leur détermination...pardonnez- moi... je suis
ému...
Et la, c'est le drame. LE DRAME. Le
Docteur G, cet éminent praticien, reçoit un télégramme
l'implorant de se rendre à l'hospice qu'il dirige (et qui portera
bientôt son nom) pour opérer un patient atteint d'une maladie
réputée incurable. Nous dûmes nous résignés à continuer
l'aventure sans médecin, alors que la forêt grouillait de brigands
armés, les fusils desquels nous entendions déjà les détonations!
N'écoutant que notre courage, nous commençons à fendre
l'obscurité.
Notre expédition mycologique n'est pas
un succès immédiat, d'autant plus que mes assistants/sherpas ne
connaissent des champignons que les mycoses de toutes sortes. Je
croule sous les interrogations naïves et doit même faire face à
leur dédain lorsque mon savoir immense est remis en cause. Je frôle
la mutinerie mais rétabli rapidement la situation grâce à mon
fabuleux sang-froid.
Dans un premier temps les spécimens
digne d'intérêt se font rares, mais nous poussons néanmoins de
l'avant, moi-même motivé par la grandeur scientifique de notre
entreprise et pour les sous-fifres qui m'accompagnent, par leurs
estomacs. Malheureusement la hauteur de vue n'est pas une qualité
partagée par tous...
Nous distinguons des signes de
déjections humaines au pied d'un arbre centenaire, serait-ce le
résultat des flatulences du Sieur St Laz qui ponctuèrent notre
excursion? Je pencherais plutôt pour l'oeuvre d'un transporteur mal
avisé, mais passons.
Après des heures de marche et grâce à
la consommation d'un produit apparemment surnommé « puro »
qui augmentait sensiblement nos facultés visuelles, nous finissons
par remplir nos besaces de Boletus Edulis et d'Hydnums Repandums,
ayant au passage observé des spécimens intéressants mais inutiles
à nos desseins. Nous décidons donc de rentrer à la gentilhommière,
sachant que nous ne pourrions échapper éternellement aux plombs de
ces malfrats alcoolisés.
Sains et saufs et à l'abri des bêtes
féroces qui rôdent souvent dans
les parages, nous nous essayons à un jeu distrayant dont le
Sieur Clodo semblait maîtriser la manipulation, tout en nous
abreuvant de cervoise bien méritée. Suite à un dysfonctionnement
de cet appareil ludique, je décide de sustenter l'équipage -
marmiton que je suis.
Les panses pleines et la soif étanchée,
nous aménageons le boudoir pour accommoder un divertissement
hautement intellectuel que seule la crème de l'intelligentsia peut
espérer conquérir. Le degré d'érudition nécessaire pour exceller
dans ce domaine est tout simplement stupéfiant. Je m'imposai donc
tout naturellement comme le grand vainqueur comme l'atteste ce
croquis, au grand dam et au détriment du Sieur LaCoquette qui
ruminait honteusement dans sa barbe. Je dois toutefois féliciter les
Sieurs Clodo et St Laz pour leurs parcours admirables. S'en suivit un
débat économique houleux, ou devrais-je dire un dialogue de sourds,
entre un homme de savoir, distingué et sage et un affreux trotskyste
sans doute vexé par une reculade extraordinaire.
Les trois larrons prirent leur congé
tard dans la nuit, fourbus, un tantinet grisés, mais une fois de
plus comblés par leur séjour pastoral.